mercredi 27 mai 2020

Déconfinement : Jour du vélo


Je pars seule, de bon matin, pour être à l’ouverture du grand magasin de vélos dans la zone industrielle. J’y vais à pied car je n’ai plus de voiture. Nous avons vendu celle de L’Homme et comme il a un rendez-vous à l’extérieur, je me retrouve avec mes deux petits pieds comme seuls compagnons de route. Ça tombe bien, j’aime bien marcher.

Je fais quelques kilomètres, la dread au vent et j’arrive enfin au magasin. Je sais ce que je viens chercher, je rentre donc pleine d’entrain et de réjouissance.

Après m’être désinfectée les mains, je pars de suite tout au fond de la grande surface à la recherche d’un vendeur. Et là, je le vois. LE vélo. Il est beau, il est rouge-orange flamboyant, il en jette, dis-donc. C’est un vrai vélo de fille, je vais pouvoir mettre des jupes et descendre élégamment de celui-ci. Je trouve le vendeur et lui explique ma requête. J’achète également un cadenas de moto bien solide, un siège et un casque pour Bébé Stitch. J’en recherche également un pour moi..  évidemment, il ne rentre pas sur ma chevelure légèrement trop encombrante. Tant pis, je le ferai fabriquer sur mesure.

Je suis tellement enthousiaste que même le vendeur me regarde étonné. La joie ne serait donc pas de mise, passé un certain âge ? C’est MON cadeau, pour passer le cap de mes 40 balais. Et justement, j’en ai assez vu des balais !

Je ressors du magasin avec mon nouveau destrier. Fière comme une gamine qui porterait des nouvelles chaussures à paillettes. Je suis déjà amoureuse de lui. Je le chevauche et je commence à pédaler pour rejoindre ma maison. Mais je fais des détours pour mieux l’apprécier. Je passe toutes les vitesses, je m’arrête pour ranger le panier de devant que je trouve si joli et je recommence mes zigzags à travers la plaine. Je passe toutes les vitesses, j’active la sonnette. « C’est moi, je passe, c’est mon nouveau vélo !!! ». Une petite part de liberté, rien qu’à moi, pour une fois, commence à naître au creux de mon ventre. Celui-là, je ne le prêterai pas. Je ne suis pas égoïste, au contraire, pas assez et je ressens que cette fois je vais l’être. 

Ce n’est pas qu’un vélo, c’est une histoire avec moi-même, une part pour la planète, une part pour mes mollets, une part pour mes aventures que je vais vivre seule ou avec les enfants. C’est comme une douce mélodie, un matin de printemps. C’est comme une ritournelle légère et rigolote, c’est mon enfance retrouvée, je fais ce que je veux, je lâche le guidon, je ris, je suis bien. Il faut que je lui trouve un petit nom.

Je suis tellement contente, que je ne veux surtout pas qu’il dorme seul pour sa première nuit chez moi. Alors je lui fais une place sous le balcon, en me disant qu’il sera à l’abri.

Puis L’Homme revient, me dit qu’il est beau et sans me demander, part faire un tour avec. Je suis si fâchée que je mets le vélo dans notre chambre à coucher et j’envoie dormir L’Homme dans le jardin, sous la tente de plage de Bébé Stitch. 

J’installe Roussette dans le panier et je savoure cette nouvelle amitié.

Je suis trop excessive, pensez-vous ? 

M’en tape, comme dirait l’autre. On ne prend pas ma nouvelle liberté. Personne. 



dimanche 24 mai 2020

Déconfinement : Jour 14




J’ai essayé tout le week-end d’aller m’acheter un vélo. Oui, neuf, car je n’ai pas eu de vélo neuf depuis deux décennies. Jamais réussi. Les magasins pris d’assaut, les gens survoltés, prêts à attendre 2h devant chez Décathlon pour aller acheter une paire de lacets jaunes. Je ne suis jamais descendue de la voiture, j’ai juste fait le tour. Plusieurs fois, pour être sûre. Tant pis, je m’achèterai un pédalo.

Le monde va bien, messieurs, dames, il tourne rond… l’Humain consomme donc il est. Pour ceux qui pensaient naïvement comme moi, que ce qui nous arrive cette année aurait pu lui faire prendre conscience de quelque chose, merci de repousser vos attentes à 2058. 

Forte de cet enseignement, j’ai consacré mon week-end au jardin et aux 3 enfants qui ravissent notre cœur. (Si bébé Stitch pouvait se lever vers 6h15 au lieu de 5h45, ça me ravirait encore plus). Nous avons planté, ratissé, ramassé, construit des bordures... Tout cela sous l’œil attentif de Roussette qui, grâce à ses ailes, me demande de planter telle chose par ci, telle chose par-là, en pointant ses désirs. Je sens qu’elle va manger mes butternuts. Mais comme je l’aime au-delà de mes légumes, je veux bien lui en laisser un peu.

Nous avons pu profiter également d’un jour de pluie pour se ressourcer ensemble, en famille. Avoir des discussions profondes sur les drogues dures avec Fille Aînée, pleine de questions. Sur la puberté et les joies de la vie, avec Mini Pirate, pleine de questions. Sur le fromage à pâte molle avec Bébé Stitch, très intéressé.

Je me suis renseignée sur la pratique de la turbo-sieste tout en faisant la vaisselle ou la lessive. J’ai juste réussi à baver dans le linge propre. Je ne considère pas cela comme un échec, je vais réessayer dès que je peux.

Je me suis rasée la moitié de la tête en me disant que « Punk is not dead » et que ce n’est pas parce que je suis à la tête d’une smala recomposée de 3 enfants n’ayant aucun le même père et la même mère (en même temps), qu’il fallait que je me complaise dans le rôle de la mamie quadra. J’ai donc revêtu mes plus beau jeans troués, mes docks, et mes pins sur ma veste en jeans, j’ai pris Roussette sous le bras et je suis allée faire un tour dans ma Hyundai Atos Prime, The voiture. Dommage, j’ai pas pu ouvrir la fenêtre car elle bloquée. Mais Roussette était tellement contente qu’à chaque virage, elle pondait un œuf.



jeudi 21 mai 2020

Déconfinement: Jour 10




L’Homme est parti. 

Dans un autre pays.

En France voisine. 

Il a préparé ses affaires dans un silence de plomb, tel un guerrier face au danger, il s’est muni de ses genouillères, son couteau suisse et une pomme. Il a pris les papiers nécessaires, c’est-à-dire les 47 attestations : une pour passer la frontière, une autre pour faire les cent premiers mètres … une pour s’acheter de la levure et du PQ français, une pour pourvoir retirer un masque à la commune, une pour rouler en 3ème, une pour actionner son klaxon, une pour ramener sa fille. 

Nous pouvons l’annoncer fièrement, Fille Aînée est PARMI NOUS !!! 

Les retrouvailles ont été bonnes, tellement chouette. On a pu parler confinement. Et comparer nos pains et nos tresses faits maison, nos bricolages, les 122 morceaux appris au piano, les techniques de passage de l’aspirateur et le choix des brosses pour tel ou tel recoin… bref, on avait l’impression d’avoir tous vécu la même chose mais pas dans la même maison. Son confinement était bien plus costaud que le nôtre. 

Mini Pirate était aux anges et Bébé Stitch se demandait pourquoi il y avait une personne de plus au goûter qui lui piquait ses bananes. 16 mois ce n’est pas l’âge du partage de bananes. 

L’Homme était ému d’avoir enfin tout le monde à table. 

Moi, je me demandais comment on avait réussi à vivre ces 2 mois et demi sans se voir et je nous ai trouséa tous vachement courageux. J’ai ressorti une banane pour fêter ça.

Maintenant, on va profiter de ces 4 jours ensemble et prévoir enfin les week-ends à venir comme avant… comme avant d’avoir pris dans les dents un semi-confinement.

Je suis allée revoir Roussette pour lui annoncer la bonne nouvelle. Elle a fait le poirier en agitant ses petits pieds.