mardi 26 mai 2015

Mon téléphone et moi.



Avant même d’ouvrir un œil sur la beauté du monde, je pose nonchalamment ma main sur mon Iphone (pour ne pas citer de marque) et je regarde si j’ai des messages que je n’aurais pas lu durant la nuit. Hum.

A peine debout, au radar dans ma cuisine, en train de chauffer d’une main le lait de mini-pirate et de l’autre la bouilloire pour mon thé, je regarde la météo pour savoir si je vais pouvoir mettre cette si jolie petite marinière aux manches trois quarts.

Cela fait 6 minutes que je suis debout et je l’ai déjà consulté deux fois. Cet outil est le diable en personne. Il s’immisce partout, de mes toilettes à ma table de nuit en passant par le jardin, il est toujours quelque part à me narguer.

Je n’ai pas de montre, donc j’appuie compulsivement sur le bouton allumer pour regarder l’heure.

Bon il est temps de partir chez l’homéopathe, c’est ma première séance, je ne connais pas le lieu, donc je prends Maps pour me repérer, mais comme je suis incapable de conduire et regarder mon téléphone en même temps, je passe la soirée d’avant à noter tous les bleds jusqu’au point B et faire 45 photos sur Google Earth de la bâtisse en question. Cela a pour avantage que j’ai tellement potassé le lieu, que je connais la route par cœur le lendemain. Mais ne sait-on jamais, s’il y avait eu une déviation pendant la nuit. Je mets donc le GPS et j’écoute une voie suave et féminine me parler comme si j’avais deux ans et demi et un problème de croissance. Comme je me rappelle de la route j’arrive à bon port 56 minutes avant le rendez-vous. Malin.
Comme j’ai 56 minutes à tuer et un quart d’heure de retard de l’homéo, je commence à ouvrir mes mails, mes whatsapp, mes sms, et à écrire compulsivement à tous mes amis que je suis en train d’attendre dans une salle faite pour cela. Avec un peu de recul, qu’est-ce que mes amis en ont à taper que je sois dans la salle d’attente d’un médecin ??? Parce qu’en même temps, j’ai également des connaissances qui s’emmerdent comme des rats et qui me disent qu’ils sont dans un bouchon, ou que la caisse de la Migros est bien pleine en ce mardi. Et franchement je les aime, mais je m’en cogne.
Il y a aussi les photos de profil whatsapp, que je regarde fréquemment, pour voir si un ou une telle a changé sa photo. On apprend plein de choses, comme l’arrivée d’un nouvel enfant chez Brigitte, les vacances au Lac Paladru de Murielle, la confirmation de la filleule de ma sœur, et le dernier plat de blanquette de veau de Simone. Super.
A la fin de mon rendez-vous, je suis passée chercher fille cadette à la garderie et c’est parti pour la préparation du repas de midi. Mais je ne sais pas quoi manger, alors hop, je me connecte à Marmiton. Super (bis). Je n’aurais jamais trouvé toute seule le coup des pâtes aux tomates! En plus c’est écrit Facile et une petite illustration d’horloge indique 5 minutes. Parfait pour moi qui suis une grande cuisinière !

Puis vient la sieste de la petite, ce qui me laisse une bonne heure pour regarder Doctissimo sur les verrues plantaires, il me semble que j’ai un point sous le pied. Je sais qu’il ne faut pas faire cela, mais après une demi-heure, j’ai contracté la sclérose en plaque, un cancer du gros doigt de pied, un herpès virulent, une tendinite purulente à moins que ce ne soit une piqûre de serpent ? Bon, je transpire trop, je vais arrêter et plutôt jouer à Ruzzle avec ma copine Rosy. Oh mini- moi se réveille, une heure de perdue à tatouiller Ibidule. Je m’enrage toute seule.

Quelques minutes plus tard, nous partons en balade, mais après quelques kilomètres en voiture je me rends compte avoir oublié mon ami tactile. Ni une, ni deux, marche arrière à la maison, c’est vrai, on ne sait jamais. Si je tombe dans une crevasse, ou que Simon Baker essaie de me joindre ?

Durant la promenade, je photographie, grâce à mon bel outil, la plus belle des petites filles dans les hautes herbes, sur sa balançoire, sous le toboggan, avec une moustache de glace autour des lèvres pour son papa.
Ben oui, il revient tous les soirs, mais comme ça il est tout le temps au courant de tout. Et ce qui est bien, c’est que je n’ai pas 156 fois la même photo sous un angle différent, que je me promets de mettre sur album depuis trois ans!
Et là, il me prend une idée folle, et si je me faisais un petit selfie « comme dise les jeunes ». Je tourne la caméra, un petit regard en l’air, et HOP, je me chope. Et là, je vois toutes les rides, toutes mes repousses blanches, mon teint blafard, mon bouton sur le menton et mes cernes bleutés. Mais comment font ses filles pour avoir l’air de top model sur Instagram ? Je tape sur Google, "retouche de photo" et je me retrouve à dépenser CHF 5.- sur l’Appstore pour un produit que je me promets d’essayer le soir même, maquillée et parfumée. (Après expérience, j’ai la même tronche mais je pourrais facilement poser sur le trottoir, c’est bien qu’il soit sans fil le téléphone), je ne ferai donc des photos de moi que de dos. Je regarde aussitôt les cours de Pilate, pour m’assouplir afin de faire des belles photos de mon dos. Je tombe sur 186 sites me proposant des cours dans la région, PAF je reperds une demi-heure.

Le soir arrive, la prunelle de mes yeux est au lit, mon homme rentre, et se pose un coca frais à la main sur le balcon avec son fidèle téléphone. Il joue à Clash of Clans, chouette, je vais regarder. Je suis devenue une Warrior sans limite dans ce jeu. Je connais les Golems, les géants, les différents niveaux des canons, ça épate mon mari et j’aime quand il est épaté ! En attendant que les armées se forment, je regarde le programme télé. Il y a rien. Zut. Tant pis je vais regarder les nouvelles du monde sur mon Iphone.

Et là, une montée de nausée m’envahit.

J’ai passé combien d’heure sur mon téléphone aujourd’hui ? A propos de téléphone, j’ai oublié d’appeler mon dentiste ! Je vais mettre une notification pour demain.
Mais aaaahhh lâche moi sale truc en plastique !! Depuis deux ans j’ai l’impression d’avoir un chewing gum sous ma chaussure ou des boules de sagex dans la main, vous savez vous avez beau secouer, ça ne tombe jamais dans la poubelle.
Je perds mon temps.
Je m’énerve.
Je ne me reconnais plus dans cette technologie.
Je hais la main de mon mari qui prend son téléphone au lieu de ma main.

Je sens alors mon bras se lever, mes yeux gorgés de sang regarder le balcon, et d’un seul coup, je lance Ibidule jusque dans le compost du jardin. Un sentiment de vide énorme et en même temps de satisfaction intense m’envahit. Je frise l’orgasme. Pas longtemps. Après j’ai frisé la pneumonie en allant le rechercher pendant 2 heures dans le compost. C’est comme la clope, je n’ai pas tenu. Je me suis sentie trop seule. Toute ma vie est dedans, même la liste de prénoms de mes futurs enfants.

Bon. Il est cassé et il pue le compost. Alors en attendant que je re-signe un contrat abusif de deux ans pour un appareil qui est formaté pour tenir 18 mois, je vous donne mon adresse mail ?

lundi 4 mai 2015

Désir vs mariage



Avant que l’on passe fièrement devant le maire avec sa belle robe blanc cassé et son chignon à fleurs, la question du désir et de la séduction ne se posait, pas de la même manière.

Virevoltante de fraîcheur et d’allégresse, je savais que certains hommes se retournaient sur moi et cela me procurait un sentiment de bonheur léger, comme manger une meringue chez mon amie Miretchka (peut-être un peu plus léger tout de même, le sentiment).
Les hommes se retournent peut-être toujours mais maintenant je ne les vois plus, car j’ai dans ma main, une petite main, et à mon doigt une bague avec un nom à l’intérieur qui, à lire de près, ressemble étonnamment à celui de mon mari. Je suis mariée et sérieuse. J’ai suivi les conseils de ma mère, «  Avant le mariage, tu fais ce que tu veux ; après tu dois être  sérieuse ». Oui maman.

Bien. Je suis sérieuse depuis longtemps maintenant. Au point d’être devenue presque chiante, voir un peu nonne sur les bords.
Moi qui étais une grande amatrice d’hommes, je me suis retrouvée assise devant ma psy à lui demander : « Puis-je fantasmer sur un acteur de cinéma, même mariée avec des enfants ? ».
C’est là que j’ai compris que le passage du tout au tout avait peut être été un peu brutal. Alors, bonne nouvelle, mesdames: OUI, on a le droit de fantasmer sur un acteur de cinéma!
Après cet événement, je me suis ressaisie et me suis demandé combien de temps un couple pouvait tenir si on lui donne tout. Tout le temps. Comme à un enfant qu’on gâte. Ne faut-il pas mieux parfois partager ?

Après une discussion avec l’homme de ma vie, il a ri de ses belles dents pour me dire que j’avais le droit de me retourner sur un homme dans la rue, ou sur un acteur de cinéma. Lui-même le faisait sans pour autant s’autoflageller 350 fois avec un fouet à picot ! Ah, ok ! Cool alors. A moi tous les films de Javier Bardem et Simon Baker sur une terrasse…(N’ayant pas beaucoup de temps, je fais les deux d’un coup !).

Alors…que faire de tout son désir et de sa séduction, une fois mariée ?

Il y a plusieurs réponses à cette question, d’après ce que je vois dans mon entourage:

  1. Faire en sorte de désirer et séduire son mari tous les jours, avec des petites attentions, des sous-vêtements affriolants, des petits plats bien cuisinés et ne jamais, mais alors JAMAIS ne faiblir sur cette dévotion. Tu as fait ce grand et honorable choix de te marier donc il ne peut y avoir aucune autre issue à ce fleuve qu’est le désir et la séduction. Tout sera reversé à l’homme choisi et jamais tu ne reluqueras le petit jeune derrière sa caisse à la Migue, ni n’oseras t’imaginer des scénarii torrides au sujet de ton médecin. Tu vendras tes talons, mini-jupes et tu ne te détacheras plus les cheveux de manière sensuelle à l’arrêt de bus, ni chez Migrolino. Soit. Amen.

  1. Tu te trouveras un amant, qui avec passion t’emmèneras voir les étoiles. Et prise dans ta phénoménale amourette, tu quitteras mari et enfants pour t’installer avec l’Homme, 6 mois plus tard, tu te poseras la même question avant de requitter l’Homme pour te mettre avec ton autre amant. Bref, effet repetitas ad aeternam, c’est chiant pour tout le monde, surtout pour soi-même, j’imagine.

  1. Tu prends un amant marié qui aime sa femme, et qui ne veut surtout pas la quitter parce que toi, ça tombe bien, tu aimes ton mari, et de temps en temps tu te fais des after après ton cours de pétanque bretonne. Personne ne quitte personne et les boules (de pétanque) seront bien gardées.

  1. Tu continues comme avant, à reluquer les jeunes à la Migue et à fantasmer sur ton ancien prof d’histoire et tu te permets à boire des cafés avec des hommes séduisants sans passer à l’acte, parce que justement le fait de t’autoriser à vivre ta vie te permettra de ne pas avoir envie d’aller voir si l’herbette du voisin est plus longue que la tienne. Non, plus verte. Hum.

Donc dans l’ensemble, il n’y a pas vraiment une bonne solution. Chacun choisit celle qu’il préfère. Pas de jugement. Car même dans un couple polygame de père et de mère, il y en a forcément un qui est plus jaloux que l’autre, etc… donc il n’y a pas de solution miracle pour ce tiroir à désir et à reconnaissance que nous avons tous et toutes plus ou moins grand et ouvert. Mais il est là dans un petit coin de cette boîte crânienne un peu trop complexe parfois.

La reconnaissance y est pour beaucoup dans tout ce bordel. Être reconnue enfin pour autre chose que la bonne ménagère, la bonne mère ou la bonne tout court. Envie d’un regard neuf sur notre corps changé, susciter le désir chez autrui mmmmmmmmmmmmmh savoureux.

L’autre jour, je me baladais vers l’Eglise. Un corbillard était parqué devant et je me faisais la remarque que la vie n’était pas si longue que ça, tout compte fait. Je me demandais si cet homme ou cette femme avait été heureux-se, Et si cette personne avait su aimer et être aimée.
Quelques minutes plus tard, quelques personnes sortirent de l’Eglise et se séparèrent sur le trottoir d’en face. Ne restaient plus rien que des petits pas qui se séparaient en silence. Cette personne avait elle un témoin de vie ? En rentrant chez moi, je regardais mon mari, et je me suis sentie apaisée d’avoir un témoin de ma vie, quelqu’un qui me voit évoluer, changer, faire des enfants, rire, pleurer, être chiante souvent, en remise en question tout le temps. Bref, j’ai eu envie de lui dire merci pour tout cela. Et j’ai eu envie d’être désirée comme jamais par cet homme là.

…………………. Et un peu par tous les autres aussi !