mardi 14 juin 2016

Lettre à Monsieur le Conseiller fédéral Burkhalter bis

Voici la lettre que j'adresse ce jour à Monsieur le Conseiller fédéral Bukhalter:






Monsieur le Conseiller fédéral Burkhalter,

C’est avec un brin d’étonnement et de colère, que je vous lis dans le « 24Heures » du mardi 14 juin 2016.

En effet, je vous ai écrit le 25 octobre 2015 pour vous alerter sur mes préoccupations concernant la crise migratoire. Je vous parlais d’une catastrophe humanitaire et de mes inquiétudes sur l’inaction de la Suisse et de ses pays limitrophes. J’ai été jusqu’à vous dire qu’un nouvel Auschwitz était en route, une page d’Histoire noire et infâme s’écrivait d’ores et déjà depuis plusieurs mois/années.

Vous m’avez très gentiment répondu que la Suisse, dans les limites de ses possibilités mettait en œuvre tout un tas de démarches pour venir en aide à ces personnes bravant l’indicible pour fuir la guerre.

Quid, en ce mois de juin 2016 ?

C’est de pire en pire. Les camps se font désormais plus grands, les gens meurent toujours en traversant la Méditerranée, les enfants disparaissent, la faim se fait tenace, et les frontières se referment en même temps que les yeux de beaucoup trop d’humains face à ce drame.

Je ne suis effectivement pas politicienne, je n’ai pas fait Science Po et je n’ai évidemment pas vos responsabilités. Mais j’ai des yeux. Et des mains qui depuis quelques mois œuvrent pour un monde que je vois, couler aussi sûrement que ces bateaux de pacotille chargés à bloc pour enrichir les passeurs. Que fait la SUISSE pour empêcher cela ?
Vous dites dans cet interview au sujet de la Syrie : « les violations des droits de l’homme doivent opérer comme un signal d’alerte avant que les crises n’éclatent. » Je crains que la crise n’ait éclaté depuis quelques temps déjà…
Vous désirez mettre en place « un système d’alerte précoce. Ce n’est pas quelque chose de compliquez… même s’il faut convaincre beaucoup de gens » dites vous. Chouette alors. Si ce n’est pas si difficile, pourquoi ne pas l’avoir mis en place avant ? Je m’interroge.


Et si c’est actuellement que vous vous posez ces questions, je me les pose depuis longtemps. Les Droits de l’Homme sont inexistants dans ces camps de fortune où nombre de mes amis se sont rendus pour faire le travail des gouvernements. J’ai autour de mois des dizaines d’hommes et de femmes qui travaillent sans relâche pour amener de quoi manger, se laver, se soigner à ces familles en péril. Est-ce notre job, à nous citoyen-nes du monde que d’aider son prochain ? Oui c’est notre job. Et c’est votre job également que de leur venir en aide.
 
Je vous propose de vous rendre sur place. De regarder les yeux de ces enfants. De leurs parents. Puis de revenir chez vous avec ses images dans les yeux. Et je suis sûre, que votre sens de l’humanité, de l’entraide, se fera sentir encore plus puissamment dans vos tripes d’humain et non de politicien. VOUS avez des cartes que VOUS pouvez jouer. La Syrie n’a pas besoin d’armement, elle a besoin d’un cesser le feu, et d’une terre d’accueil pour ses habitants qui ont du fuir l’horreur de cette guerre. Ils ont besoin de toits et je sais que la Suisse en possède, ils ont besoin de sécurité et ils ont besoin d’être reconnus en tant qu’humains et non comme des bêtes que l’on parque dans des camps entre deux barbelés.

Je suis fâchée, Monsieur le Conseiller fédéral, car en tant que citoyenne, je ne suis pas fière de mon pays. Car ce pays je ne le vois pas se mettre debout pour aider ces milliers de gens.

Vous dites en parlant de la Syrie « S’il y avait eu au départ une véritable volonté de tenir compte de certains signes avant-coureurs, nous n’en serions pas là ». C’est bien ce que je me tue à dire. C’est une question de volonté mais pas de moyens.

Alors je réitère ma question : que voulez-vous faire pour leur venir en aide ?

Voilà ce que nous faisons nous, citoyen-nes qui avons tous un job, une famille, et qui payons nos impôts :

-       Nous récoltons des tonnes de couvertures, sacs de couchage, habits homme/femme/enfant.
-     Nous récoltons des fonds pour partir sur place amener tout cela.
-   Nous organisons des manifestations pour sensibiliser nos concitoyens sur la guerre et ses conséquences
-   Nous récoltons des médicaments, kit d’hygiènes que nous remettons sur place.
-          Nous écoutons leurs peurs, leur terreur,
-  Nous nous rendons à Paris, Calais, Idomini, Samos, Thessaloniki…

Et nous rentrons chez nous épuisé mais heureux d’avoir vu un homme sourire ou un enfant jouer avec des bulles de savon, seule chose que nous puissions leur amener dans cette boue infâme.

Alors je vous propose de venir nous aider. Et de considérer l’humain non comme un numéro mais comme un de vos frères.

Avec tout mon respect. Je vous remercie de m’avoir lue.







mercredi 9 mars 2016

T'es où?



Je l’avais appelé « Poum poum poum », à cause des Barbapapa qui vont sur Mars et qui rencontrent leur « alter ego en noir et blanc ».
Je ne sais pas pourquoi ce nom, mais j’aimais bien, ça sonnait comme le début d’une chanson, une petite ritournelle.
7 semaines, qu’est-ce que c’est 7 semaines dans une vie ? 49 jours que je vivais avec. Il me suivait partout. Et me faisait déjà mener une vie complètement différente.

Un soir, j’ai eu envie d’enlever toutes mes dreads, j’ai passé des heures à tout démêler et devenir à la fin du soin et des douze masques hydratants une vraie dame aux cheveux soyeux.

A la poterie, je ne faisais que des tasses rondes, des pots ronds, des vases ronds, même mes dessins finissaient par des ronds dodus et pleins.

Je pleurais chaque fois que j’ouvrais Facebook et que je découvrais les horreurs du monde, j’ai donc arrêté de lire les news.

Tous ces indices me menaient à la même conclusion : je suis enceinte.
Et un pipi plus tard, je constatais les deux barres tant attendues depuis plus de 2 ans ! Joie, bonheur, angoisses, rires nerveux et quelques verres d’eau plus tard, je me regardais au fond des yeux. Quelque chose avait changé, malgré mes traits un peu tirés par l’angoisse et les nausées, je voyais une lumière. Comme à chaque fois que je suis enceinte.

Je l’ai annoncé à l’homme, il était heureux et on a invité toute la famille à la crêperie, bien sûr en ne dévoilant pas le secret. Trop tôt. On a écumé les boutiques, vu des petits lits. Des petits body taille zéro et des doudous tout doux qui sont fait exprès pour les nouveaux-nés. Envie de tout acheter, mais on n’a pas fait de folie, trop tôt.

J’ai passé 15 jours de crise de nerfs en crise de joie,… pour moi la grossesse est très loin d’être une partie de plaisir, je suis paniquée de le perdre, paniquée qu’il me quitte, qu’il aille mal, bref, c’est 9 mois d’angoisse. Mais là je me suis dit ; « quoiqu’il arrive, c’est la dernière ».

Mini pirate fêtait ses 4 ans, elle commence l’école en août et « Poum poum poum » naissait en octobre, le pied, je ne pouvais pas rêver mieux.

Mais ce n’est pas comme ça la vie. Ce n’est pas comme un conte ou un film hollywoodien.
C’est comme une chanson de Linda Lemay. Vous savez celle où elle dit : « moi j’étais sûre que t’étais bien, que t’avais pas envie de partir, moi j’étais sûre que t’étais fort, je ne t’ai pas entendu mourir »… moi non plus je ne l’ai pas entendu. J’ai juste été pliée en deux de douleurs dans ma cuisine et j’ai vu le sang, et j’ai su que c’était la dernière.

Il n’y aura plus de doudous tout mous, plus de poussette pleine de miettes de pains, plus de petites mains qui s’accrochent à mon doigts par réflexe, plus de prénoms à trouver, plus que du vide et l’impression amère que je suis incapable de donner la vie à nouveau. Et la culpabilité de n’être pas comme les autres, de ne pas pouvoir offrir un autre enfant à mon mari, à ma fille, à ma belle-fille, à la vie, au monde, à moi….

L’hôpital a confirmé que « Poum poum poum » s’était fait en partie la malle. J’ai du l’aider à se faire vraiment la malle… et c’est peut-être ça le pire. Expulser hors de vous ce que vous souhaiter protéger à l’intérieur de vous.

C’est comme ça la vraie vie. C’est 3 fausses couches en 5 ans. C’est choisir qu’on enfantera plus. C’est voir des femmes enceintes partout et les haïr. On sait tous que ça passera, on sait tous qu’on s’en remet, on sait tous qu’il y a des histoires bien pires que la nôtre, on sait tous que les enfants que nous avons, nous apportent le meilleur, et qu’il faut vraiment profiter de les regarder, pas les voir, mais les regarder.

On sait aussi qu’on a besoin de ses proches, qu’on a besoin d’être reconnue dans ce statut de deuil et que non le mot n’est pas trop fort. On a besoin de douceur et de câlins, on a besoin de comprendre, de savoir, de parler, encore.

Je reproche à tout le corps médical la manière dégueulasse et abjecte de traiter la fausse couche comme une routine. Pour chaque femme c’est différent, mais ce n’est jamais une routine. Jamais. Et je me battrai dès lors pour qu’on nous reconnaisse et que l’on nous écoute ailleurs que chez un psy à CHF 150.- de l’heure. N’a-t-on déjà pas assez payé comme ça ?

On sait qu’on finira par créer un autre projet, mais on sait aussi que chaque fois qu’on lira les Barbapapa vont sur Mars, ce petit être nous manquera.

Font chier les Barbapapa.