lundi 10 juin 2019

The Facebook pneumonie



Je vais pas vous mentir, je ne la mène pas large dans mon lit depuis 48 heures, à bouffer mes antibios 20’000mg, et à me passer le corps à la cortisone… vous vous demandez certainement comment j’en suis arrivée là ? J’ai le début d’une piste…

Ces derniers mois, je suis devenue une vraie utilisatrice de réseaux sociaux. Je m’explique, il y a encore 4 ans, je ne voulais à aucun prix, un compte au logo bleu car je n’y voyais aucune utilité. Mais avec mon blog, et le cabinet et bref… j’ai craqué, je me suis inscrite comme une grande, enfin plutôt, mon amie Rosemonde m’a inscrite comme une grande et m’a créé mon profil. 

Le profil, ça porte bien son nom, saperlipopette ! Parce que justement sur Facebook, par exemple, tout le monde y met son plus beau. J’ai erré pas mal de temps, sans en devenir une addict, mais juste en touriste, m’effrayant un peu de ce que j’y rencontrais. Depuis quelques mois, je sens que mon doigt plein d’ennui, se dirige gentiment vers le logo bleu et je me perds dans les méandres des « desperate facebook’s wifes » et autre armée de guerrières en folie, coups de gueule, cris de joie, blogs mamans gentilles et j’en passe… Sauf que pour une ultra sensible de ma trempe, ce n’est pas si simple ! Je viens de passer par tous les stades dont l’humain est capable.

Tout d’abord, j’ai arrêté de manger de la viande. Tous les jours des images d’animaux qui passent dans des broyeuses, ça ne m’a pas donné envie de continuer. Puis, j’ai arrêté de manger des œufs. Ben oui : « c’est horrible comment les poules elles sont élevées », nous apprend Poudy65. Puis j’ai arrêté le miel, le fromage, le lait, tous les produits raffinés, le sucre, le gluten. 

Pendant que je suçotais une noix de macadamia sur mon canapé en chanvre cousu main, j’ai lu un article qui disait que le véganisme « c’est pas la meilleure des idées parce qu’il faut bien l’avouer, ça peut créer certaines carences. » Ah bon ? C’est pour ça que je perds mes cheveux ? Et que j’ai le teint d’un panais mort ? J’ai donc laissé tomber mon côté vegan, pour sauter dans un autre article, qui mettait en avant que  l’alimentation est importante mais pas autant que la nourriture spirituelle… et là, j’en ai eu pour mon argent, au propre comme au figuré ! 

Quand j’étais petite, tous les ans dans notre boîte aux lettres, nous recevions sur un billet blanc : « Monsieur Abboudoutsointsoin retrouve pour vous l’être aimé, vous guérit de tous les maux etc… ». Aujourd’hui il s’est multiplié par millions en postant toutes les 6 secondes de la publicité pour ses supers poudres magiques (à base de poil de yack et licorne), pour nous conjurer nos souffrances. J’ai tout vu, tout fait : comment se faire coacher avec ou sans élastique - comment atteindre le point de détente maximum grâce à Edith22 qui a fait un stage de deux heures en méditation sur les couleurs - comment retrouver sa féminitude grâce à un œuf Yoshi coincé dans… comment vous dire ? – combattre ses démons intérieurs, grâce aux stages eau-terre-avoine-foin, chf 450.-/jour pour te rouler dans le foin nu, en récitant des mantras genre « schwim » ou « schpalof ». ça gratte et du coup ça gratte tellement, que tu n’as plus vraiment la place de gamberger sur un autre sujet, ils sont forts quand même – j’ai rejoint un groupe de femmes guerrières et puissantes dans une forêt pour une méditation sur le pardon adressé à mon utérus (?) et là, j’ai eu plein de pistes de différentes femmes, sur comment mieux vivre mon corps et mon intimité… (je suis pas restée dans le groupe parce que 35 nanas en blancs qui chantent en langues et qui articulent comme des maitresses d’école enfantine, c’en était un peu trop pour moi), alors j’ai pris leurs précieux conseils et je suis rentrée chez moi me gratter (la paille).

Grâce à ces femmes, je me suis rendue compte qu’effectivement, les serviettes hygiéniques sont trop chères, et pas bonnes pour la santé, donc j’ai acheté une cup à 3000 francs, j’ai cousu mes slips de règles en vieux rideaux (récup, récup c’est mon nouveau groupe). J’ai vécu la première extraction de la cup …en mode Splatoon pour repeindre le plafond (effet ventouse). Deuxième saison : l’écoute de mon corps sans protection : échec et mat. J’en suis revenue aux serviettes bio à 5.90 la boîte ! Au moins, j’ai sauvé ce qui reste de ma penderie.

Parlons-en de ma penderie, justement. C’est super facile sur Facebook de lire tous les articles sur la décroissance quand tous les 4 posts tu as une pub Zalando ! Je passe mon temps dans les secondes mains et les vide dressing à acheter les habits pour toute la famille depuis 7 ans et en quelques secondes, je viens de me commander que des choses inutiles pout 560 francs sur un site à la con. Donc je culpabilise et … je retourne chercher un peu de douceur dans une thérapie par le Jonc de mer pour rapiécer mes chakras. (Complément efficace à mes 6 bracelets alliage cuivre/orge). 

Et je ne parle même pas de la culpabilisation constante de ne pas en faire assez pour notre chère Terre Mère qui est en train de se faire une sacrée pneumonie, elle aussi ! Entre les « comment faire ses pattes à relaver avec vos restes de mouffles » et « Andréanne n’a eu que 6 déchets dans un bocal pour un an », moi je passe mon temps à essayer de comprendre comment un tel miracle est possible, tout en y adhérant totalement. Du coup, je me trouve nulle et incapable et j’ai peur et je fais de l’éco-anxiété et PAF thérapie par la peinture à doigts à base de saindoux végan (650 francs).

Et je ne raconte pas le nombre de fois où je m’insurge quand les gens se parlent très très méchamment parce qu’ils ont un écran qui les protège. Le nombre de fois également où je me demande si le petit Siméon sera hyper content d’avoir toutes les photos de ses 0-18 ans sur la Toile au lieu d’un joli album dans sa bibliothèque. 

Les phrases assassines, genre « je suis libre, je n’aiderai plus jamais personne à part moi à l’avenir », ah bon ? parce que les gens sont altruistes par ici ? Les moments de douleurs narcissiques qui se transforment en changements compulsifs de photo de profil toutes les 10 secondes, les tutos sur les maquillages qui foirent, les bébés chimpanzés morts à cause du Nutella, les mamans pour/contre/sans/avec/dedans/dehors/ l’allaitement, l’éternel débat sur l’éducation, les avis de recherches et les Pet Alert… moi, j’ai fini par ne plus respirer là au-milieu.

Alors que j’aurais pu finir nue, pleine de sang en mâchouillant un céleri, un enfant sur chaque sein et un mouton comme meilleur ami, j’ai plutôt opté par une belle somatisation de toutes ces angoisses existentielles mises en ligne. J’ai commencé par un Pityriasis rosé de Gibert (!) eh oui… ma petite dame (si vous ne savez pas ce que c’est, il doit certainement exister un groupe Facebook sur cette maladie). Et j’ai achevé le truc par une pneumonie.

Je suis au lit depuis deux jours et franchement à bien y réfléchir, je crois que je vais laisser tomber un moment ce Fléau Bleu. Je vais jouer avec mes boutons et Gibert ! 

Parce qu’entre nous, si réellement j’avais 195 amis, je ne me sentirai pas seule le samedi soir, si ?



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