mardi 25 août 2015

A poil !



Je ne peux commencer ce nouvel article que par une phrase un peu désuète: Je suis en colère.

En me promenant dans un kiosque, je tombe sur « Le Matin du 14 août 2015 » dont le titre en première page est le suivant : Art ou provoc ? Le nu en ville choque, évidemment en lettre blanche sur fond rouge et en majuscule pour attirer le quidam que je suis. Je me penche donc sur cette question.

C’est au sujet du Festival sur la nudité à Bienne qui regroupe 18 troupes professionnelles : « Body and Freedom ». Pour moi, rien que le titre me donne de l’espoir en l’être humain ! Le principe est le suivant: des gens totalement nus font des représentations dans la ville ou simplement des gestes du quotidien. Des personnes de tout âge, de tout horizon et de toutes les couleurs.
Ils ne sont même pas dans les rues les plus passantes, et qui plus est, les gens choqués par cette nudité auront même le luxe de l’éviter en passant par des bordures de la zone autorisée, construites à cet effet.

Bien. Le nu choque ? Et les photos des enfants qui vivent la guerre, est-ce que cela choque ? Les filles à peine majeures couchées sur des bagnoles au salon de l’auto, dans des positions lascives et surmaquillées est ce que cela choque ? Les séries télé qui regorgent d’hyperviolence, d’exécutions, de viols...qui passent à des heures tout à fait descentes sur toutes les chaînes? Les clips de rap, avec des nanas en string qui se trémoussent pour faire déco ? Les jeux vidéo dont le héro est un soldat qui va tuer la moitié de la planète ? Ça vous choque ? Et monsieur le puritain qui va détourner son regard de ce nu si provocateur, a-t-il une connexion internet sur son smartphone lui permettant d’accéder à Youporn à tout moment ?

John Lennon a dit : « Nous vivons dans un monde où l’on se cache pour faire l’amour… mais la violence est faite en pleine lumière du jour. » D’accord. Je vous entends penser. C’était John Lennon, l’amour libre, les babas cool allumés qui croyaient pouvoir refaire un monde meilleur, gorgés de psychotropes. Leurs idéaux peuvent paraître niais au jour d’aujourd’hui, mais n’avaient-ils pas raison ? Raison de croire en ce que l’humain a de si précieux ? L’amour universel, l’abolition des classes sociales, l’amour libre et dans les champs, la non-appartenance, la liberté, bordel ! Est-ce que jouer de la guitare à poil dans une forêt, en regardant pousser les fleurs, faisait du mal autour d’eux ? Forcément une telle révolution ne pouvait pas durer, l’humain n’est-il pas là pour s’empêcher de vivre libre ?

Moi je veux des gens à poil dans les rues, qui nous montrent que les affiches de jeunes prépubères photoshopées ne sont pas LA réalité.
Que c’est beau un corps avec ces défauts! Mettez-vous à poil devant un miroir et regardez-vous et aimez-vous. Oui, vos kilos en trop sont beaux, oui, votre cicatrice de césarienne est belle, oui, vos genoux trop en dedans, vos pieds plats, la vieillesse, les seins tombants et pâles, les poils dans le dos, les épaules basses, le ventre rond, les paupières fatiguées, les rides aux coins des yeux, les marques du temps, les bienfaits de la jeunesse, les fesses plates, les poitrines menues... C’est de l’art à l’état pur.

Avec ce corps vous pouvez vous déplacer, aimer, penser, donner la vie, danser, rire. Votre corps est votre compagnon de tous les jours. Quand allons-nous décider de le chérir comme un ami et de l’accepter avec toutes ces imperfections ? Alors, ça ne nous fera plus peur de le croiser dans une rue.

Le charmant Mathias Müller, vice-président de la section locale de l’UDC donne cet argument: « Les passants se verront imposer la vue de ces nus sans rien avoir demandé ». Moi, je n’ai pas demandé des centaines d’affiches de pub qui me vrillent le regard tous les jours, je n’ai pas demandé à voir des gens pour qui la vie est faite que d’apparence et de bling bling, je n’ai pas demandé à voir des personnes tristes vêtues de gris qui avancent en masse tels des zombies, ils me sont imposés tous les jours et je fais avec. Monsieur Müller s’inquiète  également de la nuisance que cela peut avoir sur la ville. Surtout que cette fois, le festival a été subventionné par cette dernière. Elle a versé CHF 10’000.- pour cela. Quelle honte !!! On aurait pu les verser à l’armée ? C’est tellement plus joli un homme en uniforme dans sa toute puissance guerrière. Ou alors, pour le prix un joli autocollant pour le Gripen ou une demi hélice de drone ?

Heureusement que Monsieur Thomas Zollinger, l’organisateur qui a obtenu l’autorisation pour ce festival… après cinq ans de négociations (!?!?) avec la ville est là pour nous permettre, de nous réapproprier le corps, sans provocation. Cet événement est une première mondiale, tout de même.

Alors moi je dis : Bravo, Monsieur Zollinger ! Je dis Bravo Bienne, d’avoir dit OUI. Et pour l’occasion, je vais aussi me mettre à poil pour communiquer un message de paix, d’amour, de liberté et d’art autour de moi. Et si je devais choisir de vivre à poil dans une fermette avec des fleurs dans les cheveux ou alors habillée dans une maison d’architecte en béton, mon choix serait très vite fait.

Aimez vous, tous à poil, et comme dirait ma copine Sévrine, n’oubliez pas de danser !


1 commentaire: