jeudi 19 mars 2015

Cri du cœur : Maman sur site



Pour toutes celles qui auraient la bonne idée que j’ai eue d’arrêter de travailler à la naissance de leur chérubin, je tiens à dire « accrochez-vous ». Quel fantasme de croire que la femme qui vient d’accoucher est par conséquent forcément radieuse, qu’elle a le temps de s’occuper de la prunelle de ses yeux tout en jouant du piano pour l’endormir. Elle qui croit qu’une fois bébé à la sieste, elle pourra peindre une merveille en écoutant une douce sonate de Bach, un crayon dans les cheveux pour retenir de folles mèches qui encadrent son visage……….

NIET. NADA. NON.

La vérité, c’est une femme crevée post-accouchement qui traîne ses 12 kilos de plus qu’avant la grossesse, qui ne se reconnaît plus, qui n’a pas le temps de faire autre chose que 13 lessives, dès que le nourrisson dort ENFIN ! Le piano est sous le tas de lessive. Le crayon, qui dans vos rêves, remontait vos cheveux en chignon parfait, fait maintenant corps avec une dread. Le temps de se coiffer fait partie de l’avant bébé. Donc, autant vous dire que la merveilleuse peinture n’existera jamais. Et la sonate de Bach vous fait pleurer. C’est les hormones qu’ils disent les messieurs en blouse blanche. C’est l’enterrement de votre vie d’avant que vous chialer. Elles ont bon dos, les hormones!!!

Voici le début d’une nouvelle vie, où les mots qui ne sont pas qu’exclamation positive et larmes de joie n’auront pas leur place, où il faudra donner le change constamment sous peine de passer pour une mère indigne ou sujette à un baby blues névrotique. Une vie où le mot « vacances » n’existe plus. Votre meilleur ami sera le facteur si vous avez la chance d’avoir beaucoup de recommandés et de paquets que vous achetez compulsivement pour remplir ce vide béant. Votre vie sera rythmée de petits pots pomme de terre/fenouil/carotte fait maison évidemment (sinon quelle mère seriez-vous ?), et de changements de couches à la chaîne. Plus de vie sociale autre que votre mari et le facteur, plus de séances de travail aux aurores, plus de tac tac (bruit si sexy du talon haut), car se promener en campagne en talons hauts, ce n’est pas méga pratique. Votre pyjama de grossesse deviendra gentiment votre habit d’intérieur, vous donnerez votre maquillage aux amies, pour faire de la place aux canards de bain, vos bagues et colliers relégués à la cave.
Ça c’est le début. Et tout cela, je l’avais lu, entendu, et m’étais promis que MOI je ferai différemment. Quel orgueil.

Ensuite bambin grandit. Vous troquez votre pyjama contre un sarouel ou survêt pratique pour faire du quatre pattes, et là, vous vous étonnerez de la vitesse que vous pouvez atteindre, les genoux bleus et le survêt troué ! Vous vous surprendrez même à arriver à la machine à laver avec le linge sale sur la tête pour vous créer LE challenge de la journée. Et la larme à l’œil, vous vous direz en même temps : « Yesss, j’ai réussi !!! » et une seconde plus tard : « Au secours ! Qui est cette femme qui a pris possession de mon corps et surtout de mon cerveau ? ».

Trois ans plus tard, vous aurez déménagé l’appartement 1235 fois, en pensant que votre vie serait diamétralement différente avec le canapé à gauche et la bibliothèque à droite. Après avoir fait une thérapie par le vide, (la bibliothèque et le canapé n’existeront plus), vous vous retrouverez assise par terre (ben oui) et vous regarderez votre homme ; et LÀ, vous le détesterez pour tout ce qu’il vous a fait : devenir une femme au foyer !  Bien que cette idée fût également de vous, il vous faut un coupable, parce que vous n’avez plus de place dans votre tête, pour vous auto flageller en plus. Vous détesterez SES réunions, SES beaux habits pour aller au travail, SES trajets en voiture où il a même le temps de s’en griller une, SES fatigues du soir, SES vacances qui pour vous ne changent que dalle, SES réflexions sur son job, et SES attentes par rapport au vôtre: nettoyages, lessive, plier le linge, aération de la maison, paiements, balade quotidienne des enfants, jeux divers, pâte à sel… (Et j’en passe). Bien sûr, vous resterez quelque part dans ses bons souvenirs mais très vite, il vous verra comme le pilier central d’une cathédrale inébranlable. Donc il pourra se permettre de rentrer plus tard, de ne pas vous indiquer ses réunions imprévues et vous bombardera de bons conseils, comme « fait-un-cours-Migros-rien-que-pour-toi,-par-exemple-fleur-en-pâtes-fimo » ou « tu verras, quand les enfants seront à l’école tu auras le temps de te réaliser ». Lui, l’homme, le mari, l’amant, le couillu sur pattes, aurait-il attendu 4 ANS POUR SE REALISER ? (pardon, je crois que j’ai crié).

Alors par un beau matin d’hiver, après une crise personnelle entre vous et vous, et 54 offres d’emploi plus tard, vous décidez d’aller frapper à la porte de l’Office Régionale de Placement, le cœur battant la chamade, la culpabilité dans le regard, la confiance en vous entre les chaussettes (trouées au talons) et les semelles de vos bottes de pluie (parce qu’évidemment il pleut). Et là, vous vous entendrez dire : « Aloooors, si vous vous inscrivez, on vous fera une remise à niveau, très certainement, et vous ne toucherez pas d’indemnités, vu que vous ne travaillez pas depuis 3 ans ! ».

Vous ne vous inscrirez pas ce jour là.
Vous rangerez votre envie de fracasser le bureau de l’ORP.
Vous vous direz que vous n’avez jamais été aussi crevée depuis 3 ans et qu’un job serait des vacances pour vous. Rien que la pause de midi, un luxe !
Et bien les vacances, ce n’est pas pour demain.
Et le jour où la Suisse décidera de reconnaître ce job de fou et les maris aussi, le regard sur les femmes au foyer sera différent. C’est donc à nous, Femmes sur site de changer ce monde. Vu que les soutiens gorge ont déjà été lancés il y a quelques décennies, je vous propose la patte microfibre ; et toutes au combat pour l’égalité !
Si le salaire de Madame correspondait au salaire de Monsieur, nous pourrions déjà faire en sorte que chacun travaille à un pourcentage réduit !  Si les places dans les crèches n’étaient pas aussi rares, nous pourrions lâcher plus facilement nos bambins. Et je ne parle que des mamans comme moi, qui ont le luxe de pouvoir choisir, évidemment…

Lundi 16 mars. 14h18. J’ai lancé ma patte microfibre en signe de rébellion. J’ai mis des talons qui font tac tac, et mes cheveux sont relevés sur ma tête en un chignon sexy tenu par un crayon. J’ai pris mes enfants sous le bras et je me promène fièrement, tête haute et sourire en coin. Au détour d’une rue, je lance mes talons, cours avec les enfants, me roule dans l’herbe humide, défais mon chignon et ris, ris encore avec ces enfants qui me regardent faire des loopings avec mon moral, ceux-là même qui vous donnent la main avec tellement de confiance que vous en pleurez de joie et de panique...

Je me sens sans statut souvent, je me sens dépassée par tellement de vérités depuis que je ne fais plus partie intégrante du système. Avoir ce recul sur le monde, c’est une chose abominable par moment, parce qu’on en voit toutes les failles mais je me sens liiiiiiiiiiiiiiiiiiiibre et ça, ça n’a pas de prix.
Moi, femme avec une patte microfibre pour drapeau, je me battrai pour que nous puissions un jour dire haut et fort, je suis femme au foyer, fière et libre !

2 commentaires:

  1. C'est superbement poignant d'authenticité, chose tellement rare dans notre société que nous avons transformée en société "sourire Ultra Brite"! Continue à écrire, à râler, à aimer....

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  2. Ninabrowska, je vais vous faire bondir, je le sais déjà.
    Je viens de découvrir une signification de l'Epouse ( extrait du Dictionnaire de la rature, chez Actes Sud) ( à prendre avec humour svp)...
    Epouse: volontariat pour l'esclavage, sous les formes atténuées de la soumission, de l'admiration et de l'aveuglement. Une attitude contraire peut entraîner des baffes. Nina, je vous le rappelle : HUMOUR.. Kazimierz

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