dimanche 1 février 2015

9h15




En plus d’être tous des cons ; l’empathie n’existe plus.

Nous en sommes arrivés au stade critique où il faut monter des actions bénévoles d’humains déguisés en nounours, qui squattent les places publiques, pour nous faire des câlins dans la rue, car nous ne sommes même plus capables de prendre l’autre dans nos bras. S’il y avait l’application « câlin » dans nos compagnons numériques, je pense que tout le monde l’aurait, en essayant de se remémorer la signification de ce mot. Sauf que le pauvre smartphone n’a pas encore de bras, il a juste notre pouce ridicule et plat pour faire partager au monde ce qui nous appartient. Comme par exemple, notre tarte trois fromages, avec en fond de photo le petit Basile qui sourit béatement les mains pleines de farine, cela prouve donc que nous sommes une cuisinière hors pair et en plus, qu’on occupe nos enfants sainement. En fait, ce qu’il s’est réellement passé, c’est que maman a appelé Basile en train de jouer sur sa tablette, lui a mis de force les mains dans la farine et lui a filé un billet de CHF 20.- pour qu’il sourie afin de montrer au monde ce qu’est notre vie, avec notre fausse tarte au fromage achetée chez Migros. Bref, nous donnons à voir à nos 65986 amis ce qui nous arrange ; pas nos soucis, nos doutes, nos coups de gueule, nos envies profondes. Je m’éloigne un peu… mais je ne peux m’empêcher d’y penser, à mon amie l’empathie qui disparaît de plus en plus, se fait fluette puis devient ombre. Combien de fois par jour, j’ai l’impression d’entendre : « tu es trop gentille, occupe-toi de toi ». Oui, et alors ? Je mange à ma faim, j’ai des enfants qui vont bien, un homme qui m’aime, l’eau courante, je ne me sens pas menacée, alors quoi ? C’est trop gentil de ramener la dame âgée jusqu’à chez elle un jour de grand froid ? Du coup qu’elle me volerait mon sac, la salope. C’est trop gentil d’aller demander si la voisine va bien depuis qu’elle touche le chômage et qu’elle a 5 gosses ? C’est trop gentil de sourire aux gens dans la rue en leur tenant la porte ? Qu’est-ce qui est gentil ? Que va-t-on me dire, si demain je roule sur la vieille un jour de grand froid en insultant les 5 gosses de la mère de famille au chômage et en balançant la porte de la boulangerie dans la tronche du petit Basile ?

Je suis en pleine réflexion, ce matin de grand froid, sans mamie à côté de moi (certaines hibernent). Je vais me parquer, je regarde ma montre, il est 9h15, je prends mon ticket, qui me coûte un bras, à l’horodateur du parking. Derrière moi, deux femmes dans la quarantaine, discutent en admirant leur 4x4 brillant et agressif :

-          Moi je suis Toyota, j’ai toujours été Toyota !  s’exclame une des deux dames gonflant sa poitrine de fierté, un peu comme le paon, sans les plumes, ni les couleurs.

Et là, je me dis, qu’il y a deux semaines on était tous Charlie. Maintenant deux rombières sont Toyota, Peugeot ou que sais-je ? Que reste-t-il de ces mobilisations où se massaient tous ces gens, le regard mouillé par le froid et la tristesse, la joue et le nez rouge par un rhume hésitant. Où sont-ils ? L’empathie soi-disant mondiale qui se rependait partout de nos veines à nos chaines de télé, était elle vraiment là, dans le cœur de chacun ? Il faut déjà changer les pancartes? Je ne suis pas Toyota !

4 commentaires:

  1. Je lis, je relis
    C'est bien vrai, il n'y a que de belles réponses
    Qui que vous soyez, Nina, poursuivez ces mots, qui souvent nous échappent
    faites en de jolis tas, de beaux textes, pour votre plaisir d'abord, et pour le nôtre ensuite. Et quelques fois, glissez en un dans une poterie, pour une découverte future. Merci Nina d'avoir pu vous lire. Et...... " au suivant"
    Kazimierz

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  2. Mais quel talent pour croquer la vie des humains ! Continue, belle âme gentille.....

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