Je farfouille
depuis plus d’une heure dans des tas de fripes, de sacs, d’appareils en tout
genre. Je suis dans un vide grenier, et j’adore ça. C’est la découverte à
chaque fois. Des souvenirs d’enfant au côté très pratique, le vide grenier
m’offre une palette d’émotions que je ne trouve pas chez Coop.
Le concept est
génial et effrayant également : on recycle, on passe, on troque, on arrête
de jeter à tout va, on partage, on s’anime, on marchande, on se fait plaisir à
petits prix et on est dans l’unique, plus dans la copie. Et en même temps j’ai
toujours un petit creux dans le ventre quand je vois le nombre d’objets vomis
par les stands trop petits pour tout contenir, qui ne sont plus désirés par
leur propriétaire. Cela veut dire que notre surconsommation dépasse
l’entendement.
Retournons à nos
moutons, dans le tas que je suis en train de farfouiller, je découvre une imitation du
célèbre sac signé LV, je le saisis et plonge dans mes souvenirs...
…Je me retrouve,
quelques années auparavant, devant la porte de la célèbre boutique Louis
Vuitton, rue de Bourg Lausanne. Mon cœur bat la chamade de pouvoir accéder à
cette légende. Il faut avouer que je suis une fan inconditionnelle du sac à
main en tous genres, alors le Vuitton doit forcément faire partie de la
collection.
Mon ex-mari me
tient la porte, et nous entrons. A peine le bout de mes escarpins posé sur la
moquette parfaite de ce lieu plus propre qu’une salle d’op’, une vendeuse
arrive pour prendre notre veste, nous montrer les articles avec le plus grand
raffinement possible. Après de longues minutes, j’opte pour un sac assez large
et pratique dans lequel je pourrais mettre tout mon bataclan. Le sac n’allant
pas sans le porte-monnaie, je finis par choisir un long portefeuille avec un
intérieur rouge magnifique.
Moi et mon sourire
suivons mon ex-mari pour le passage en caisse. CHF 1518.- plus tard, je repars
avec un très joli sac en papier, que je vais aller poser dans un Palace. C’est
usant le shopping !
Les Palaces. Aaaahhh
les palaces… ils se ressemblent par leur odeur, la qualité des tapis, des
meubles, des draps… les salles de bains qui n’en finissent plus et des
téléphones partout. Je goûte durant cinq ans à ce luxe. Rien n’est un frein.
Une voiture s’achète aussi facilement qu’une chemise, les voyages ne sont pas
limités, les matières sont de plus en plus fines, nobles. Ma carte de crédit
est ma copine de guerre et de paix. Mes vides sont vite comblés par des achats
futiles, il faut bien l’avouer.
L’argent donne une
sécurité indéfectible, il rassure. Savoir que les factures seront payées sans
le moindre tressautement de paupières, aide indubitablement à s’endormir.
L’argent donne une
prestance. Habillée de marque le menton fier, on ne vous reçoit pas pareil que
le quidam lambda.
Quand vous êtes
riche, vous faites des brunches le dimanche chez des médecins et des avocats. Vous
vous exclamez devant un plat à la truffe même si elle est servie sur une crotte
de yak. Vous entendez des quasi orgasmes de bourgeoises (je dis quasi parce que
la bourgeoise parfois peine un peu à jouir et s’emmerde sévèrement avec
Jean-Louis), alors ça donne un petit « hi » hystérique quand elle
voit votre sac griffé. Elles peuvent le commenter de A à Z, et vous confier
toutes ses déclinaisons possibles, car elles ont forcément le même, et
reçoivent aussi la newsletter de chez nos amis Vuitton.
Aux brunches du
dimanche, (prononcer « Broêêntch »), vous vous devez d’échanger sur
les nounous et les femmes de ménage. Savoir laquelle de ces quadras de riches mal
baisées pourraient vous trouver le numéro d’une technicienne de surface
« enfin valââââble », car avec vos deux heures de bénévolat par
semaine pour les enfants démunis, pas possible de vous en sortir avec les 350m2
de carrelage imitation bois fossilisé, sans compter le jardin, évidemment.
Je ne me suis jamais
vraiment fondue dans cette caste de nantis, car je ne crois pas avoir un
caractère qui se fond dans quoique ce soit. Mais j’ai bandé il est vrai devant
des ouvertures que je ne pouvais avoir qu’en était munie de la Gold et non de
la carte Raiffeisen. Si, si….
Après donc cinq
années de vie quasi commune avec mon ex-mari, nous décidâmes avec humour de
divorcer avec classe. A l’amiable, sans colère, nos chemins se séparaient dans
un carrefour d’âges où l’amour n’était pas la question, mais les chemins
différaient.
C’est alors que
j’ai re-rencontré mon mari actuel (qui fut mon premier amour à 16 ans), et avec
lequel, je me suis élancée dans un second mariage, beaucoup plus gitans que
bourgeois.
Les palaces ont
été remplacés par un vieil appartement commun avec des dessins et des rires
d’enfants partout. Les sacs Vuitton par des sacs de seconde main. Les brunches
par des pique-niques. Et les voitures par… par… ben… par rien !
C’est pour cette raison,
qu’aujourd’hui, je marche avec dans ma main mon panier plein de puzzles, de
fringues, de jeux… car j’ai décidé de ne plus acheter en 1ère main
pour des raisons écologiques et aussi pour des questions de budget. Je n’ai
plus la Gold, ni même de carte de crédit. Je vis avec un salaire pour quatre
personnes, mais j’ai le même plaisir à aborder un vide grenier qu’une boutique
Vuitton. Elle est pas belle la vie ?
Mais entre nous,
il faudrait être con, pour ne pas avoir envie de passer de la bourgeoise épanouie
à la gitane heureuse, non ?
Merveilleuse! Tu es merveilleuse!
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