8 jours que le
drame Charlie Hebdo a ébranlé la terre. 8 jours que je n’arrive pas à avoir une
pensée claire à part me sentir répéter ridiculement, « c’est pas
possible !?! ». Dès que j’essaie d’aligner deux phrases, je sens que
le poids de mes mots n’est que nuages légers virevoltant au-dessus de l’ampleur
des dégâts. 8 jours que je passe frénétiquement à allumer la télé, regarder les
news sur mon smartphone et me repasser en boucle les témoignages que je connais
par cœur.
3 ans que j’avais
déconnecté de la presse, à part le journal « Vigousse », rendez-vous
hebdomadaire avec mon mari, que j’ai fini également par acheter mais plus lire
car sans lire les news, je n’arrivais plus à comprendre les gags. Et en 8 jours
je me retrouve au cœur de la presse, au cœur de la prise d’otage, au cœur de
tout ce que je ne veux pas voir, j’ai mis des œillères pour éviter de souffrir
de mon impuissance, sagesse ou lâcheté, je n’ai jamais su le dire.
8 jours que
j’essaie de me dire « et si je dessinais ? », pas un coup de
crayon vient réveiller mon cerveau ramolli par 2 cons qui ont tiré sur mes amis
humains et dessinateurs. Je dis amis, car j’ai toujours dit « amis
humains », je ne fais partie de rien, je suis athée, je n’appartiens à
personne, je ne me sens pas patriotique, je ne me sens pas polonaise, je fais
partie des humains, c’est tout. Une petite fourmi parmi des autres fourmis qui
essaie de se démerder comme elle peut avec ses emmerdes, ses joies, ses peines…
8 jours où tout y
a passé dans ma tête. L’envie de monter à Paris rejoindre l’équipe de Charlie,
l’envie 1000x de prendre Pelloux dans mes bras, l’envie de dire à Luz que même
si il a eu du mal à chier sa une, elle est drôle et touchante à la fois. (Joli
caca), et la peur a pris le dessus un moment, c’était vendredi, et elle est
retombée de suite quand j’ai refusé d’être conduite par cette putain de peur
qui crée tant de dégâts. Peur de l’autre, peur du drame, peur de la police,
peur de mourir, peur de naître, peur de vivre, … le contraire de l’amour c’est
la peur. J’ai insulté les chaînes françaises qui unissent le peuple dans la
peur en ne montrant que des femmes, des mères, en larmes devant les drames des
otages, il y avait 54x le mot peur dans chaque témoignage. STOP. Je n’ai pas
peur. J’ai aussi eu envie de partir dans une Yourte très très loin dans une
forêt sans ami humain dans les 300km à la ronde. Partir pour fuir ce que ce
putain de 7 janvier avait réveillé en moi. Plus voir. Plus pleurer. Alors
pendant cette semaine, j’ai bouffé de la télé, j’ai mangé 8 ragusa avec les
noisettes en quinconce, et 8 snickers avec les cacahuètes concassées, et en ce
matin du 16 janvier, jour de l’enterrement de Charb, je me suis dit, on est
tous des cons. Et pour la première fois, j’avais l’impression d’avoir dit un
truc intelligent.
On est tous des
cons, de vivre qu’à demi, alors qu’un dessin peut potentiellement nous tuer, je
ne parle même pas de la clope ou autre maladie dégénérescente. On est tous des
cons de croire qu’on a raison, raison de quoi ? On est tous des cons de
vouloir que notre voisin soit le même que nous mais un peu en-dessous quand
même et avec quelques problèmes en plus. On est tous des cons de ne pas oser
s’opposer à quoique ce soit de peur de perdre l’autre, son job, son chien, sa
rolex, sa carte cumulus. On est tous des cons de vouloir dire aux autres milles
conseils plus foireux les uns que les autres, seulement parce que l’on croit
que nous détenons la vérité de la vie vraie. On est tous des cons de ne pas se
réjouir du bonheur des autres. On est tous des cons de vouloir jouer à la
guerre pour se détendre. On est tous des cons de se croire au-dessus de
certains et pas aussi bien que d’autre. On est tous des cons, de dire à nos
enfants « sautes pas dans la gouille, tu vas être mouillé », on est
tous des cons de croire que si on paie bien nos impôts, on se fait un joli
compte épargne, et on est au régime depuis 36 ans, on gagnera nos 70 vierges.
On est tous des cons, de vouloir faire du fric sur tout et tout le temps (cf
coque de potable « Je suis Charlie », mais qui a eu l’idée vulgaire
de faire cela ????). On est tous des cons avec nos crèmes antiride, nos
push up, nos faux ongles, faux cheveux, fausse barbe et faux cul. On est tous
des cons de s’être pris une minute au sérieux. Alors ce soir, 16 janvier 2015,
mes amis humains, je nous trouve bien cons, vous l’aurez compris, mais mon
éternel optimisme très caché me donne juste envie de croire que nous sommes
encore capables de faire des mobilisations aussi fortes pour toutes les atrocités
qui ont lieu dans le monde en ce moment. Je nous espère encore un peu. Laissez
deux secondes les soldes de janvier, les clés de votre 4x4 (ou du moins
éteignez le moteur à l’arrêt, merci), et regardez les nuages comme ils sont
beaux, ils sont plein de dessins et même si c’est des bites… c’est ça la
liberté !
On est tous des
cons, et moi la première.
16 janvier 2015
Essai
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