Depuis toute petite, je me suis habituée à rentrer chez moi
et découvrir ma mère chevauchant un fauteuil collé à une table basse, elle-même
encastrée dans la télé (la table, pas ma mère). Régulièrement, ma maman changeait
les meubles de place. Maintenant que son dos l’empêche de le faire, elle glisse
gentiment à mon intention durant un téléphone, « Rhôoo… je mettrais bien
le canapé ailleurs mais avec mon dos… » et, ni une, ni deux, je lui fixe
un jour où je viendrai Black&Decker
à la main, relooker son salon.
Je pense avoir hérité ça d’elle. Combien de fois n’ai-je
demandé à l’homme de permuter la commode et lit, la bibliothèque et le balcon…
et ceci dans les trois appartements que nous avons habités. Avec, il faut
l’avouer, une montée en puissance en fin de grossesse de mini-pirate.
Bon, tout ça pour vous dire que samedi matin, hier donc,
armée de mon plus beau sourire, j’ai chuchoté à l’oreille de mon mari d’une
voix suave : « tu penses quoi si on mettait le lit à la place du
bureau, ça allégerait non ? ». L’homme, sans surprise, fait semblant
de dormir.
Quelques minutes plus tard, en training et en chantant
« Mississipi River » à tue-tête, j’ai passé devant son œil mi-clos
avec la table de nuit dans les bras. De guerre lasse, il s’est levé et m’a
demandé s’il pouvait me donner un coup de main. (Non, non… je pensais porter le
bahut qui fait le poids d’un âne mort toute seule, afin de me trouver une bonne
excuse pour ne pas reprendre lundi ?!?!).
Et chaque fois, j’y crois, et chaque fois ça se déroule
pareil :
Etape 1 : J’y crois, je motive toute la famille en
vantant les mérites du changement, de l’ouverture d’esprit, de la solidarité,
des trésors qu’on va pouvoir (re)-trouver derrière chaque meuble…
Etape 2 : Personne n’y croit plus chez moi, donc l’étape
1 dure beaucoup plus longtemps que prévu. Donc une fois que j’ai payé
mini-pirate en bonbons par kilo déplacé, et l’homme en promesse de nuits
meilleures si le lit EST dans l’autre sens, ils daignent me jeter un regard non
dénué d’une certaine empathie/pitié.
Etape 3 : C’est fou le bordel qu’on accumule. Pourquoi
je trouve sous mon lit des tableaux, des papiers d’emballages, un mixeur, une
paire de chaussette, un journal intime écrit sur une page, deux paires de
chaussettes, un wagon de poussière, des BD, un avion maquette, trois paires de
chaussettes, une lampe, un sac, quatre paires de chaussettes, un chat mort (je
rigole, je voulais voir si vous suiviez toujours), un mobile, une aile de
cerf-volant, un stylo, une cinquième paires de chaussettes, mon amant, un
livre, une trousse à outils, le contrat d’écolage de ma fille, une sixième p….
je comprends soudain pourquoi je dors mal depuis si longtemps et pourquoi dans
mes rêves, c’est le chaos total. Dans
mon dernier rêve je montrai ma lampe a Winnie l’Ourson qui me disait tout
bas : « N’oublie pas de sourire quand tu passes devant le Cranosorus
sinon tu seras étouffée par des paires de chaussettes géantes qui t’obligeront
à construire un avion bleu en poussière »…bref.
Etape 4 : Deux heures plus tard, le dessous du lit est
vide et moi aussi. Mais rien n’a bougé dans la chambre, donc je m’active en
jurant de plus en plus fort. Pas de nouvelles de l’homme, il a dû migrer.
Etape 5 : Il est 16h, tous les meubles s’entassent les
uns au-dessus des autres, le stress est à son comble, j’engueule tout le monde,
même le voisin et je tente de redonner forme humaine à cette pièce en me
demandant pourquoi je pense qu’à chaque coup de mou, j’imagine que c’est une
bonne idée de tout déplacer alors que j’aurais pu aller faire du shopping,
boire un verre avec une copine, jouer du piano etc. Donc je m’en veux, donc
j’en veux à l’homme. (Les femmes mariées depuis 10 ans me comprendront,
raccourci, certes mais raccourci telllllement vrai).
Etape 6 : Il est 20h, je sors gentiment la tête de la
chambre, tout est en place. Le lit est magnifiquement bien placé entre la
fenêtre, la prise, la commode et la panière. J’ai enlevé le sommier car ça ne
passait pas et j’avais pas très envie de recommencer le Tetris dans l’autre sens. L’homme pense tellement fort que j’ai
déjà en tête de lui faire bouffer la parure de lit. Mini pirate croit que c’est
un trampoline. Moi je pleurerai bien un petit coup.
Etape 7 : Après avoir pleuré un bon coup, je remarque
que mon stress de ce matin va beaucoup mieux. Il m’aurait donc fallut
simplement geindre un peu pour me soulager au lieu de monopoliser la famille
toute la journée pour un coup de mou.
Quand on se couche, on rit comme des gosses avec l’homme qui
trouve que ça fait chambre d’étudiante, le matelas par terre, c’est pas faux.
On s’aime comme des ados, on se réveillent comme des vieux cons, s’appuyant
péniblement sur nos mains pour s’aider à se relever et déplier nos dos de
quadras…(aahh, Sophie Marceau !).
Moralité : Si vous vous réveillez avec l’envie de tout
déplacer chez vous, posez-vous la question si ce n’est pas simplement le 28ème
jour du mois, un chagrin de passage ou un vilain nuage, avant de tout démonter.
Ça vous évitera de perdre une journée entière. Par contre, le point positif
c’est le tiroir à chaussettes plein.
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