Je l’avais appelé
« Poum poum poum », à cause des Barbapapa
qui vont sur Mars et qui rencontrent leur « alter ego en noir et blanc ».
Je ne sais pas
pourquoi ce nom, mais j’aimais bien, ça sonnait comme le début d’une chanson,
une petite ritournelle.
7 semaines,
qu’est-ce que c’est 7 semaines dans une vie ? 49 jours que je vivais avec.
Il me suivait partout. Et me faisait déjà mener une vie complètement
différente.
Un soir, j’ai eu
envie d’enlever toutes mes dreads, j’ai passé des heures à tout démêler et
devenir à la fin du soin et des douze masques hydratants une vraie dame aux
cheveux soyeux.
A la poterie, je
ne faisais que des tasses rondes, des pots ronds, des vases ronds, même mes
dessins finissaient par des ronds dodus et pleins.
Je pleurais chaque
fois que j’ouvrais Facebook et que je
découvrais les horreurs du monde, j’ai donc arrêté de lire les news.
Tous ces indices
me menaient à la même conclusion : je suis enceinte.
Et un pipi plus
tard, je constatais les deux barres tant attendues depuis plus de 2 ans !
Joie, bonheur, angoisses, rires nerveux et quelques verres d’eau plus tard, je
me regardais au fond des yeux. Quelque chose avait changé, malgré mes traits un
peu tirés par l’angoisse et les nausées, je voyais une lumière. Comme à chaque
fois que je suis enceinte.
Je l’ai annoncé à
l’homme, il était heureux et on a invité toute la famille à la crêperie, bien
sûr en ne dévoilant pas le secret. Trop tôt. On a écumé les boutiques, vu des
petits lits. Des petits body taille zéro et des doudous tout doux qui sont fait
exprès pour les nouveaux-nés. Envie de tout acheter, mais on n’a pas fait de
folie, trop tôt.
J’ai passé 15
jours de crise de nerfs en crise de joie,… pour moi la grossesse est très loin
d’être une partie de plaisir, je suis paniquée de le perdre, paniquée qu’il me
quitte, qu’il aille mal, bref, c’est 9 mois d’angoisse. Mais là je me suis dit ;
« quoiqu’il arrive, c’est la dernière ».
Mini pirate fêtait
ses 4 ans, elle commence l’école en août et « Poum poum poum » naissait
en octobre, le pied, je ne pouvais pas rêver mieux.
Mais ce n’est pas
comme ça la vie. Ce n’est pas comme un conte ou un film hollywoodien.
C’est comme une
chanson de Linda Lemay. Vous savez celle où elle dit : « moi j’étais sûre que t’étais bien, que
t’avais pas envie de partir, moi j’étais sûre que t’étais fort, je ne t’ai pas
entendu mourir »… moi non plus je ne l’ai pas entendu. J’ai juste été
pliée en deux de douleurs dans ma cuisine et j’ai vu le sang, et j’ai su que
c’était la dernière.
Il n’y aura plus
de doudous tout mous, plus de poussette pleine de miettes de pains, plus de
petites mains qui s’accrochent à mon doigts par réflexe, plus de prénoms à
trouver, plus que du vide et l’impression amère que je suis incapable de donner
la vie à nouveau. Et la culpabilité de n’être pas comme les autres, de ne pas
pouvoir offrir un autre enfant à mon mari, à ma fille, à ma belle-fille, à la
vie, au monde, à moi….
L’hôpital a confirmé
que « Poum poum poum » s’était fait en partie la malle. J’ai du l’aider
à se faire vraiment la malle… et c’est peut-être ça le pire. Expulser hors de
vous ce que vous souhaiter protéger à l’intérieur de vous.
C’est comme ça la
vraie vie. C’est 3 fausses couches en 5 ans. C’est choisir qu’on enfantera
plus. C’est voir des femmes enceintes partout et les haïr. On sait tous que ça
passera, on sait tous qu’on s’en remet, on sait tous qu’il y a des histoires
bien pires que la nôtre, on sait tous que les enfants que nous avons, nous
apportent le meilleur, et qu’il faut vraiment profiter de les regarder, pas les
voir, mais les regarder.
On sait aussi
qu’on a besoin de ses proches, qu’on a besoin d’être reconnue dans ce statut
de deuil et que non le mot n’est pas trop fort. On a besoin de douceur et de
câlins, on a besoin de comprendre, de savoir, de parler, encore.
Je reproche à tout
le corps médical la manière dégueulasse et abjecte de traiter la fausse couche
comme une routine. Pour chaque femme c’est différent, mais ce n’est jamais une
routine. Jamais. Et je me battrai dès lors pour qu’on nous reconnaisse et que
l’on nous écoute ailleurs que chez un psy à CHF 150.- de l’heure. N’a-t-on déjà
pas assez payé comme ça ?
On sait qu’on
finira par créer un autre projet, mais on sait aussi que chaque fois qu’on lira
les Barbapapa vont sur Mars, ce petit
être nous manquera.
Font chier les Barbapapa.
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